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Conférencier : Jean Butin Compte-rendu extrait du Bulletin n° 254 de novembre 2011 |
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Pour beaucoup de lyonnais, Pierre Dupont n'évoque au mieux qu'une rue à la Croix-Rousse. Pour nous tous qui avons écouté Jean Butin ce samedi, ce nom évoque maintenant un homme passionné, qui a marqué son époque par sa poésie, ses chansons et ses engagements politiques.
Né à Lyon en 1821, il passe sa jeunesse sur les bords de Saône, chez son oncle, curé
de Rochetaillée. Après des études au petit séminaire, il travaille dans un atelier de canuts,
puis comme clerc chez un notaire et enfin comme caissier dans une banque. C'est à cette époque
qu'il commence à composer des vers, stimulé par sa vie amoureuse.
Grand admirateur de Rachel, qui triomphe au Grand Théâtre, il lui consacre un poème, ce
qui lui vaut d'être invité à Paris chez la comédienne. Sa rencontre avec un académicien
lui ouvre des portes : il obtient un poste de secrétaire au dictionnaire de l'Académie
Française, ce qui lui laisse du temps pour écrire des vers. Admis au caveau de la chanson, il
fréquente alors Victor Hugo, Théophile Gautier, Baudelaire et Charles Gounod qui l'encourage
sur la voie de la musique, lui qui chante ses vers au lieu de les déclamer.
Sa poésie pleine d'émotion pour le monde paysan (les bœufs, les louis d'or,
la chanson des blés…) ou celui des ouvriers, dont il chante la révolte (le chant des
ouvriers, la fille du peuple…) correspond à un genre nouveau, le réalisme, qui
enthousiasme le petit peuple, las des romances et des fadaises. Il chante aussi bien
dans les brasseries que dans les salons parisiens.
Mais bientôt, sa notoriété et ses opinions marquées (c'est un républicain convaincu), le
font condamner à 7 ans de déportation en Algérie en 1851. Rapidement libéré grâce à
l'intervention de Georges Sand et Théophile Gautier, il doit signer un acte de
soumission et renoncer à toute activité politique.
Sa poésie se tourne alors vers les corps de métier (la chanson de la soie, les
carriers…) mais il ne plaît plus aux milieux populaires qui lui tournent le dos.
Il quitte alors Paris pour retrouver ses racines, Lyon et les bords de Saône qui
lui inspirent des vers sur la nature (le chêne, le sapin…).
A la mort de sa femme, il noie son chagrin dans l'absinthe. On le trouve dans
les cafés chantants de Vaise et des Célestins mais il perd peu à peu sa voix, brûlée
par l'alcool et va à la dérive, jusqu'à sa mort, presqu'oublié, dans sa petite
maison du 46 rue Pierre Dupont le 24 juillet 1870 à 49 ans.
De nos jours, Pierre Dupont reste méconnu de beaucoup de nos contemporains
malgré les statues, les bustes et les plaques qui rappellent, ici et là, son
existence. Édouard Herriot regrettait qu'on ne lui ait pas donné la place
qu'il méritait…
Eh bien, Jean Butin, ce samedi, a su ressusciter pour nous ce grand poète, cet
homme généreux.
L'interprétation vibrante de plusieurs chansons par Gérard Truchet et les
diapositives de J.P.Tabey et de J.Castelbou ont fait de cette conférence
un grand moment culturel.
Merci à eux.
Christine Bonjour