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Le Théâtre de la Gaieté et le Père Coquillat
Conférence du 14 février 2009

 

Gérard Truchet
Gérard Truchet.

Conférencier : Gérard Truchet

Compte-rendu extrait du Bulletin n° 247 de juillet 2009

Père Coquillat
Le père Coquillat.

Plaque rue Diderot
Plaque au 7 de la rue Diderot
(Lyon 1er).

Le sujet de cette conférence va nous transporter sur les pentes de la Croix-Rousse et nous conter la vie du directeur d'un théâtre célèbre au début du XXe siècle.

Jean Vermorel, membre de notre Comité et secrétaire particulier de notre président fondateur Justin Godart était un spécialiste des petits théâtres à Lyon. Il avait donné le 10 novembre 1922 une conférence devant les sociétaires des Amis de Guignol sur les souvenirs du père Coquillat. Et c'est quelques quatre-vingt sept ans plus tard que Gérard Truchet relève le défi de nous conter des souvenirs croustillants de ce théâtrier connu pour son accent franc de canut qui était une légende, mais qui depuis s'est estompé dans les souvenirs des lyonnais nouvelle génération.

Tout commence en 1831, date de la grande révolte des canuts. Le 9 juin 1831 naît au 114 du quai Bourg Neuf (actuellement Pierre Scize) : Pierre Jean Coquillat de parents instituteurs. Très vite, la famille connaîtra des hauts et des bas, en particulier lorsque la mère quittera le foyer familial. Pierre interrompra ses études et sera lanceur (c'est l'apprenti qui lance la navette sur le métier du compagnon). Cela apportera temporairement un mieux dans leur situation, jusqu'à ce qu'il découvre sa véritable passion. En 1845, l'année de ses 14 ans, des camarades lui donnent l'idée de monter une crèche (théâtre où évoluent des marionnettes à tringle et à fils). Pierre installe donc une crèche dans l'alcôve de l'appartement paternel constituée d'une scène en bois, de décors en carton et des poupées achetées chez un sculpteur. Les spectateurs sont au début ses camarades de police. Pour ce jeune marionnettiste, c'est le début du théâtre et c'est la révélation. Il va passer par l'ensemble des théâtres de ce genre. Le théâtre devient pour Pierre une véritable passion.

En 1847, il va même passer par le théâtre des Célestins, non pas en tant que figurant, mais pour nettoyer le théâtre et allumer les rampes, car il est trop jeune. Il n'a que 16 ans. Il se lassera de cette situation, car il n'est pas sur les planches. Il va entrer au théâtre des Quatre Etages (rue des Fantasques) et devient rapidement un des principaux acteurs. Mais quand sa mère revient, elle ordonne à son fils de ne plus faire de la Comédie. Il va interrompre son activité. Il fera de la politique et fréquente les Voraces qui l'ont nommé « Frère bien aimé » (*). Il reprendra des activités de canut après un passage par la Garde Nationale.

Il se marie en 1851 (*) et poursuit ses activités en soierie. Le destin le rattrape quand un atelier en face de leur logement est transformé. C'est le Théâtre de la Gaieté. Il s'y rendra avec sa famille tous les dimanches soirs. Petit à petit, Pierre Coquillat va devenir le Père Coquillat. Il créera son propre théâtre en 1869. L'ouverture a lieu le 5 Septembre. Pour l'occasion, un drame est joué : « Le Conscrit de Montrouge ». Les débuts seront difficiles car il a du mal à trouver une troupe qui puisse jouer le grand répertoire mélodramatique, seul genre digne d'intérêt selon lui. Elle sera composée d'amateurs, hauts en couleurs et tous passionnés. Le Premier rôle est canut.

Charles Montcharmont (futur directeur des Célestins de 1906 à 1941) fera ses premières armes en 1885 au théâtre de la Gaieté avec le Capitaine Lacuzon. Il gardera une admiration et une grande estime pour le Père Coquillat. Le public est très éclectique. On se bouscule dans l'allée du 7 de la rue Diderot pour assister au drame. A l'entracte, on peut se retrouver au porte pots où spectateurs et acteurs trinquent au comptoir. Le régisseur sigrolle sa cloche dans la rue pour annoncer la reprise du spectacle. Tout se passe à la bonne franquette ce qui fait le succès de ce théâtre si proche du peuple. Le Père Coquillat n'hésite pas à haranguer ses acteurs, comme c'est le cas lorsque l'un d'entre eux ne trouve pas le couteau pour tuer sa victime. Il lui crie : « Qu'est-ce que tu attends pour l'étrangler ? ».

Au début du XXe siècle, le public se raréfie et en 1910, le théâtre est remplacé par le Gaieté Cinéma. A la fermeture de son théâtre, le Père Coquillat se remet à son métier à tisser tout en conservant les costumes et les textes. Durant les périodes de meurte, il vend à son grand désespoir au fripier quelques costumes, et ce jusqu'en septembre 1915, où Il s'éloignera définitivement des planches.

Lorsque vous irez sur les pentes en rue Diderot, pensez à remarquer la plaque qui rappelle le souvenir du théâtre de la Gaieté et de son fameux directeur le Père Coquillat, qui avait une seule volonté : faire partager sa passion pour le théâtre aux gens du peuple. Ils ont pu profiter de soirées inoubliables où se mêlaient des rires et des larmes.

Jeris Castelbou

(*) Depuis la conférence, Gérard Truchet a apporté des compléments. Ainsi,
« Frère bien aimé » est le surnom donné à son père François,
contrairement aux écrits, il s'est marié en 1854.

 


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