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Les Montgolfières à Lyon
Conférence du 1er octobre 2005

 

Henri Cogoluenhes
Henri Cogoluenhes.

Conférencier : Henri Cogoluenhes

Compte-rendu extrait du Bulletin n° 237 de février 2006

Envol de la Montgolfière
Envol de la Montgolfière lyonnaise
(19 janvier 1784).

 

C'est la première conférence de la saison 2005-2006 et notre historien, Monsieur Henri Cogoluenhes* va nous transporter dans les airs lyonnais et nous permettre de nous envoler vers une histoire peu connue des vols de montgolfières à Lyon, au tout début de l'épopée aéronautique. Il est vrai que maintenant, cela peut nous paraître désuet, mais il faut se replacer quelques années avant la Révolution Française…

Un petit clin d'œil sur notre sortie d'été à Annonay dans le fief des Montgolfier nous rappelle des souvenirs de la visite des papeteries Canson.

Le premier moyen de locomotion aérien est l'aérostat à air chaud, plus communément appelé montgolfière. Les lyonnais ont été les témoins de deux spectaculaires ascensions qui comptent parmi les toutes premières.
Six ans avant la Révolution, le 21 novembre 1783, François Pilâtre de Rozier et le Marquis d'Arlandes sont à l'origine du premier vol habité par l'homme. Ils devancent de dix petits jours, le vol du physicien Charles et de Nicolas Robert qui utilisèrent un ballon gonflé à l'hydrogène. Le vol qui nous intéresse est celui du 19 janvier 1784 aux Brotteaux.

Joseph Montgolfier, le 13e des seize enfants a été durant toute sa vie passionné par les innovations technologiques et il fut l'authentique promoteur de cette réussite. Il avait choisi Lyon pour réaliser son expérience : construire le plus gros ballon qui permettrait d'atteindre soit Paris, soit Avignon. Ce monstre sphérique devait avoir un diamètre de 33 mètres et une hauteur de plus de 40 mètres (autant qu'un immeuble de 10 étages !), représentant un volume de 24.000 m³ d'air chaud et pesant 8 tonnes au moment du lancement. On n'avait jamais construit de ballon aussi grand avant ceux du Comte Zeppelin.
Une souscription publique est ouverte pour réunir les fonds et permettre d'acheter les matériaux et payer la main-d'œuvre. Après 2 mois, il n'y avait que les ¾ de la somme nécessaire. Le Comte de Laurencin compléta les crédits, mais exigea d'être parmi les passagers.
La construction est confiée à Fontaine (agent commercial des papeteries Montgolfier). Près des Terreaux plus de 100 personnes vont œuvrer (tailleurs, menuisiers, couturières).
L'enveloppe devait être composée de seize fuseaux faits de trois couches de papier froissé piquées à l'aiguille. Une partie du papier provenait des rebuts d'imprimerie de l'Encyclopédie.
L'aérostat portera le nom de « Le Flesselles » : celui qui avait autorisé la souscription.
Le 23 décembre, l'Académie Royale des Sciences attribuait un prix de 600 livres pour la contribution au développement des sciences dans le Royaume. Louis XVI accordait les prérogatives de la noblesse.

Lorsque les travaux sont terminés en janvier 1784, les matériaux représentent ½ hectare.
L'emplacement d'envol est trouvé sur les Brotteaux du Rhône (vers l'église Saint Pothin, à l'angle de la rue Bugeaud et de la rue de Créqui). Mr Morand eut l'idée de préparer le plan de circulation et de stationnement des calèches. C'est le 1er plan de circulation organisée, le 1er trajet à sens unique et le 1er parking payant.
Le mercredi 7 janvier, des charrettes traversent le pont Morand pour apporter les matériaux. Le globe est reconstitué en deux jours. Le grand jour prévu est le samedi 10 janvier, mais il fait un temps de chien. A 5h30, le foyer au sol est allumé et le globe gonflé en vingt minutes, mais le feu retarde l'aventure. On remplace le drap brûlé et vers midi, tout semble réparé. Une deuxième tentative a lieu, mais le vacarme populaire empêche la compréhension des ordres. L'expérience n'a pas réussi, l'envol est reporté.
Le lundi 12, les opérations reprennent, et alors que le gonflage se termine, un aide jette par maladresse dans le foyer une botte avec de l'alcool. Le ballon s'élève brutalement et de nombreuses déchirures vont nécessiter de lourdes réparations. Le jeudi 15, le ballon est gonflé en 17 minutes. Pilâtre réussit un essai en vol captif, mais il allait bientôt faire nuit et l'expérience est une nouvelle fois repoussée.
Le matin du vendredi 16, l'enveloppe était raidie par le verglas. Un feu est fait pour la déraidir, mais elle s'enflamma et de grosses réparations devaient être faites. Les souscripteurs étaient en colère.
Alors que le samedi 17 semblait être le jour de l'exploit, rien ne se passe et dans la nuit ainsi que le dimanche, il neige. Le ballon arbore désormais des noms ridicules.
Le matin du lundi 19, la couche nuageuse est moins épaisse. Le ballon est préparé. De nombreuses personnes sont présentes et pataugent dans la neige. Un grand désordre existe pour l'embarquement. Il est midi quarante huit, quand le ballon se soulève en emportant huit personnes. Trop chargée, la machine s'élève lentement. La galerie rase les têtes de la foule qui doit se courber. Elle se traîne et est soutenue à bras par certains. Un passager clandestin est découvert : Lenoir. Il est jeté par-dessus bord. Le ballon s'élève alors. Les applaudissements fusent devant le spectacle d'un tel prodige. Les 7 passagers admirent les 50.000 visages tournés vers le haut. Un changement de vent ramène l'aérostat vers son point d'envol. Des témoins affirmeront que la hauteur était 3 fois plus haute que Fourvière (600 m). Un incident survient : l'enveloppe se déchire sur une hauteur importante. Le ballon dégringole vers le sol et la lourde machine s'écrase sur un pré ramolli par la neige.
Le voyage a duré… un quart d'heure. Le point de chute était derrière la maison Morand, actuelle Place Kléber. Le vol a été de 650 toises, c'est-à-dire 800 mètres environ.
Bien que l'expérience fût manquée par rapport aux espérances, il n'y eut pas trop de dégâts physiques, même si les aérostiers étaient noirs comme des charbonniers et Joseph de Montgolfier eut 3 dents cassées. Ce 1er crash de l'histoire s'est terminé dans la bonne humeur et nos héros eurent un retour triomphal en ville.
On ne sait pas ce que sont devenues les reliques de ce gros ballon : peut-être réutilisé en linge ou en bois à brûler…

De cette journée, nos aérostiers en retirent la gloire qu'ils méritent. Lyon avait ainsi participé à la conquête de l'espace. Et si cette période n'est pas très connue, cette conférence aura donc eu le mérite de nous rappeler ces moments mémoriaux et magiques, qui marqueront la voie à nos grands pilotes.

Jeris Castelbou

* M. Henri Cogoluenhes nous a quitté le 2 janvier 2006. Nous le regretterons beaucoup pour sa gentillesse et son talent.

 


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