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Conférencier : Gérard Truchet Compte-rendu extrait du Bulletin n° 228 de février 2003 |
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Pour cette première conférence de la saison 2002-2003,la grande salle du Palais de la Mutualité avait fait le plein. Il faut vous dire que le Parsident Gérard Truchet allait faire découvrir à ce cuchon de fenottes et de gones un grand académicien.
Le propos nous a retracé la vie d'Eugène Vial qui est né en 1863 à Saint-Etienne avant de faire carrière à Lyon, d'abord dans la magistrature puis dans les Lettres et les Arts.
Il écrivit de nombreux textes (monographies, romans, contes, et quatera…) et participa à l'activité de l'Association en entrant au Comité en 1913 où il fut l'un de ses vice-présidents.
Il est nommé à l'Académie des Pierres Plantées où il prendra comme nom d'académicien :
Thomas BAZU.
Eugène Vial utilisa de nombreux pseudonymes pour signer ses nombreux écrits. On peut nommer :
Jacques BARJAQUE, Silvio BENONI, Benoît LARTOUPAN, Du Galan de la RONFLE, Jubian dit L'APPRENTI, Bernardin de SAINT-PIERRE, Vasia BORGNON (ou BORGNION), L'OUILLEUR, TREIZE-COTES, LUGDU, L'UGENE, BOSON.
A partir de 1926, il est le Premier Conservateur au Musée de Gadagne où il réalise de grands travaux pour organiser le musée historique.
Il s'éteindra le 10 janvier 1942 à Oullins, lieu de la résidence familiale Vial (une maison bourgeoise située dans l'actuelle rue Francisque Jomard).
Après ce patrigot, deux textes de cet érudit ont illustré l'œuvre et la richesse de la mise en situation des mots du parler yonnais.
Bien que publiés il y a presque 80 ans, ces contes restent très frais et le talent de notre orateur pour mettre en situation les personnages a tenu en haleine ce cuchon d'auditeurs suspendus à ses lèvres et à ses mimiques.
Nous avons découvert une entrave à un règlement de ville : « Une belle Polisse », texte signé E. VIAL et publié dans l'Almanach des Amis de Guignol en 1923.
Un samedi tantôt, une bande de gones de dix-onze ans décida de faire peter l'école
et d'aller se baigner en Saône.
Ils avaient prévus de prendre un caneçon rapport à l'interdiction du Préfet de
se baigner tout nu en Saône. Y faut dire que nous sommes sous l'Empire.
Au lieu d'aller à l'école, ils s'ensauvent
sur le bas-port où les garçons se déshabillent, la Benoîte était restée
sur le pont pour garder les cartables et les affaires. Tous avaient un caneçon,
soit trop grand car appartenant au père, soit mettable, soit fabriqué avec des
mouchoirs. Ni une, ni deux, ils se retrouvent tous à l'eau en train de battre
des agottiaux. Lorsque le Joachim piqua une tête, le caneçon emprunté à son
père faillit le noyer. Il alla se reposer sur le rebord de la pile et passa le
caneçon derrière le cou, les bras dans les jambes tout en montrant tout ce que
le bon Dieu lui avait donné.
Tout par un coup, la Benoîte avertit la bande que les urbains arrivaient. Tous
sortirent de l'eau et se rhabillèrent à l'exception du Joachim qui
n'avait pas entendu le signal d'alerte et ce qui devait arriver arriva. Ils
virent le gone avec rien que les bras d'habillés et ils essayèrent de
l'interpeller. Il ne pouvait pas reprendre ses affaires sans se faire bicher,
il décida alors de se remettre à l'eau et de descendre le courant.
Les urbains suivaient au même rythme que notre nageur et le sommaient de sortir. La
bande suivait et petit à petit, un attroupement se forma pour voir passer ce
nageur. C'est vers le Pont Tilsitt qu'il leva les bras et coula comme un
caillou. Les urbains se firent prendre à parti par la foule en se faisant
traiter de sans-cœur. Un pauvre gone venait de se noyer… mais notre Joachim
qui connaissait bien le coin était allé s'agripper à un anneau et attendait
de pouvoir rejoindre le bord du quai sans que personne ne le voit et où
l'attendait la Benoîte avec ses habits. Une fois rhabillé, ils s'en
retournèrent tous chez eux. Dans le journal du dimanche, un article racontait
la catastrophe en précisant qu'un enfant trouvé s'était noyé.
Avant que nous soit révélé : « Le Secret de la Glaudia », texte signé L'OUILLEUR et publié dans l'Almanach des Amis de Guignol en 1929.
Ce secret qui se perpétue de mère en fille est la
recette des matefaims. La Glaudia l'avait reçu de sa mère à l'âge de
vingt ans, un an avant qu'elle ne se marie avec le Barnabé, un prétendant
qui était son ami d'enfance.
Ce mariage fit fondre en quatre le cœur de la Brunode qui aurait bien voulu aussi
du Barnabé et elle avait du de quoi. Pour se venger elle monta un plan
diabolique.
Alors que le jeune couple avait ouvert un café où on se pressait et s'entassait
pour manger des matefaims et boire du Brouilly, la Brunode concocta une infusion
de bourdaine qu'elle versa dans le coupon de pâte au moment où la Glaudia
s'était absentée.
Ce jour là, les clients étaient une noce. Ils commandèrent les matefaims
qu'ils mangèrent goulûment. Le garçon d'honneur alors qu'il chantait,
car l'ambiance était à la joie, commença à ressentir les premiers effets
et se précipita aux écommuns. Un second eut la même envie avant que toute la
noce au fur et à mesure s'ensauvait et s'entassait devant la porte aux
petits cœurs à l'exception du marié qui n'avait rien mangé et de la
belle-mère qui continuait à manger par manque d'entrailles.
Ce sicotis attira les passants et les locataires qui voulaient ou mettre en Saône
le Barnabé et la Glaudia ou démolir le café. Nos deux malheureux arrivèrent
à s'ensauver, mais la noce ne ressemblait plus à rien après toutes ces
abominations qui ont emboconné tout l'immeuble et le quartier.
Depuis ce jour, le secret s'en est parti avec la Glaudia qu'on n'a plus revu.
Ces deux contes merveilleux nous ont fait remonter dans le temps qui semblait s'être arrêté. Après une ovation à notre orateur, nous nous sommes rentournés dans l'attente de la prochaine conférence.
Jeris Castelbou